Interview de l'auteur Fabrice Lafourcade
- Les écarteurs ont le goût du risque, du défi... cela ne relève-t-il pas aussi d'un défi que de prendre la plume et raconter la vie d'un torère landais (Loïc Lapoudge), lorsque celui-ci est au firmament de sa carrière ?
Il y a toujours le risque de mal faire, parce qu’écrire un livre n’est pas un exercice facile. Cela peut effectivement s’apparenter à un défi, car cela reste quelque chose de rare, mais un défi indolore, tandis que ceux tentés face aux coursières peuvent générer coups et douleurs. Avec une carrière aussi riche que celle de Loïc, le risque était ne pas être exhaustif, de ne pas tout relater. Mais là n’était pas forcément mon objectif. Il s’agissait d’être suffisamment complet quant aux réussites de Loïc, tout en lui laissant l’occasion de s’exprimer sur bien des points et en accordant une belle place aux témoignages de personnes qui lui sont proches et chères.
- Ton premier livre sur Mathieu Noguès a été un succès d'audience. Est-ce que cela t'a incité à poursuivre dans cette voie de l'écriture ?
Ce fut en effet une réussite puisque tous les livres édités ont été vendus. Pourtant « Mathieu Noguès, vaincre ou mourir » est sorti en 2020, en plein confinement, quand tout était à l’arrêt. Sa communication a ensuite été freinée par une saison de course landaise quasi inexistante. Pour une première, on n’a vraiment pas eu de chance. Mais au final ce livre a plu certainement, car les lecteurs voulaient en savoir davantage sur le quotidien d’un champion de l’esquive. A sa publication, j’ai reçu des témoignages encourageants et éclairants, dont le tien. Cela m’a incité à tenter une deuxième expérience.
- Pourquoi avoir choisi Loïc Lapoudge pour ce 2ème ouvrage ?
Son palmarès était assez proche de celui de Mathieu. Il s’avérait aussi que l’année 2022, année d’écriture du livre, coïncidait avec sa vingtième saison en piste. Une impressionnante longévité, qui mérite le respect, surtout quand on sait qu’elle est la résultante d’un conséquent travail de l’ombre et de sacrifices consentis sur un temps long. Loïc n’avait pas pour habitude de parler de lui, je ne le connaissais pas personnellement, sûrement les ingrédients étaient-ils alors réunis pour rédiger des écrits qui intéresseraient…
- En comparaison avec Mathieu, as-tu travaillé de la même manière avec Loïc ? Je suppose que les deux garçons sont différents, comment s'est effectuée l'approche de Loïc ? comment avez-vous travaillé ?
Je ne connaissais pas plus Loïc que Mathieu, hormis par ce que je voyais d’eux en piste. Quand après un temps de réflexion Loïc m’a donné son accord, j’ai passé quelques heures au siège de la Fédération pour feuilleter les archives, notamment les anciens numéros de la Cazérienne. Cela m’a donné pas mal de pistes. J’ai ensuite pu présenter à Loïc un semblant de sommaire, avec des idées de chapitres. Puis nous avons entamé les échanges à la fin de l’hiver dernier. Au total nous nous sommes vus une douzaine de fois à son domicile, et régulièrement nous conversions par téléphone quand j’avais besoin de précisions ou de vérifier si j’avais bien compris ce qui m’avait été dit. Nous avons à mes yeux travaillé dans un total climat de confiance. Loïc a joué le jeu, n’éludant aucun sujet.
- Est-ce que tu as découvert un Loïc que tu ne connaissais pas ? As-tu appris sur lui des choses nouvelles, voir surprenantes ?
Pour avoir découvert Mathieu il y a quelques mois, je me doutais bien que Loïc aussi avait construit une telle carrière en faisant de nombreux sacrifices, en mettant bien des plaisirs de côté pour s’adonner à sa passion de l’écart. Après des débuts tonitruants en Formelle et deux titres tricolores rapidement glanés, il a su se remettre en question et travailler dur pour, au terme de quelques saisons douloureuses, revenir sur le devant de la scène coursayre. Cette force de résilience m’impressionne toujours. Loïc est opiniâtre, il s’est toujours accroché, et ce dès ses premières figures tournées au sein de l’école taurine, qui n’étaient pas concluantes et ne laissaient pas forcément augurer une telle carrière.
- La rencontre avec les lecteurs est un aboutissement du travail effectué, on l'aborde souvent lors des séances de dédicaces... as-tu de bons souvenirs de ta première expérience avec "Vaincre ou mourir" ?
Le livre sur Mathieu n’avait pu être officiellement présenté, en raison du confinement. Les contraintes sanitaires n’ont pas permis ensuite d’aller régulièrement à la rencontre des lecteurs. Pour autant je me souviens d’une dédicace à Hagetmau, partagée avec l’artiste Marc Large. Je sais aussi que Mathieu a signé chez lui plusieurs ouvrages, parfois pour des jeunes acteurs qui l’admiraient.
- Le choix du titre est important, non seulement pour attirer l'attention et l'intérêt des lecteurs, mais aussi pour qu'il soit en parfaite cohérence avec le thème du livre... "Gagner la foule" est-ce un choix personnel, ou pensé avec Loïc ? Pourquoi ce titre ?
"Gagne la foule" (sans le r) fut un objectif souvent clamé par le premier mentor de Loïc. Ce but l’a sans cesse accompagné. Au-delà des titres conquis, il a toujours souhaité transmettre des émotions, du plaisir, dessiner des écarts qui susciteraient du bonheur dans les gradins. Incontestablement il y est parvenu. Alors cette devise était appropriée. Lorsque Loïc me l’a énoncée, on est rapidement tombé d’accord pour en faire le titre, validé par les éditions Passiflore.
- "Vaincre ou Mourir", "Gagner la Foule"... ce pourrait-être le début d'une bien belle collection sur les acteurs de la course landaise (soit dit en passant qui mériteraient comme bien d'autre sportifs d'être mis en valeur)... y as-tu pensé ?
Je te rejoins sur le fait que les acteurs de la course landaise doivent être mis en valeur. Ils prennent des risques en piste, concilient la vie dans les ruedos avec une vie professionnelle elle aussi exigeante et faite d’obligations, travaillent le bétail sous des températures parfois extrêmes, si l’on se remémore l’été dernier. Les coups reçus génèrent des douleurs qui mettent du temps à s’estomper. Ce sont de véritables sportifs. Leur mérite n’est pas toujours salué. Puissent nos écrits à tous changer quelque peu la donne. Concernant la possibilité que tu évoques d’un prochain livre, pourquoi pas, il ne faut jamais dire jamais… Mais il est prématuré d’y penser. Pour l’heure, voyons déjà quel accueil sera réservé par les lecteurs et le peuple coursayre à cet ouvrage sur Loïc, que je remercie pour sa confiance et sa sincérité.
- Peux-tu nous apporter quelques précisions supplémentaires sur la sortie de ce livre ?
Il sortira le vendredi 24 février et sera présenté à Amou. Des photos, tirées d’archives familiales, ou transmises par Peio Peyrelongue et Cyrille Vidal, illustreront l’ouvrage. La photo de couverture est l’œuvre de Marie-Anaïs Baché. Une photo prise lors d’un paseo dans les arènes d’Amou, en 2020, tandis que Loïc allait écarter une dernière fois Ibiza. Les droits d’auteur seront reversés à l’association landaise "Entre Parenthèses" qui organise des activités à destination d’enfants malades, adaptées à leurs pathologies. Ce livre sera donc l’occasion de mettre en lumière la vie d’un champion, qui habituellement s’exprime peu, et de faire une bonne action.
Fabrice Lafourcade, Laetitia Tachon et Loïc Lapoudge