Transport/Mise en loges

La vie d'un ganadero (parfois éleveur) est mutiple tant les aspects de son travail sont nombreux et variés, souvent méconnus. Il y a un avant et un après spectacle, et souvent le public ne voit que la partie de l'iceberg, méconnaissant tout le vécu en aval et en amont. Divers sujets seront donc traités ici, sans ordre préférentiel... tout et chacun a son importance pour qu'un spectacle se déroule dans les meilleures conditions possibles.

Le transport du bétail et la mise en loges

Bien avant la guerre de 1945, les vaches de course partaient du lieu où elles vivaient jusqu'à la place de course à pied. Le troupeau était conduit par 2 ou 3 vaches dont la conciliante bretonne portant à son cou la « toumbe », une grosse cloche, et accompagnées également par les chiens et l'âne qui portait les cordes. Le troupeau ainsi composé voyageait de préférence de nuit. Il arrivait 2 à 3 jours avant les courses et les vaches étaient attachées dans une étable proche de l'arène.

Dès l'arrivée des premiers camions, il va sans dire que le transport des troupeaux fut une véritable révolution, et que tout cela s’en trouva grandement facilité. Dans les années 50 à 70, toutes les vaches de la ganaderia étaient attachées chacune à son piquet avec une corde de 4m50 à 5m appelée «estac», cousue d'un nœud coulant, avec un nœud-arrêtoir à 50-80cm de l'extrémité pour que la bête ne soit pas étranglée. Bien évidemment, les vaches que l'on attachait pour la première fois, principalement les jeunes nouvelles, tentaient de se débarrasser de cette corde ; aussi pour les calmer, on plaçait à leur côté la sage bretonne. Ainsi elles restaient plus calmes et s'habituaient.

Pour charger les bêtes, le camion reculait jusqu'à la porte de l'étable et on faisait monter une vache après l'autre, en prenant soin de faire monter en premier la plus docile. Les vaches étaient ensuite disposées dans le camion tête à queue. Pour attacher les vaches dans le camion, le vacher utilisait le "grip", un crochet placé au bout d'un manche de bois de 2m environ, qui sert à attraper les cordes et à sortir la têtière. C'est l'outil indispensable du vacher. A l'extérieur, le camionneur ou l'aide vacher attrappait la corde et l'attachait, sans trop serrer la tête, pour que chaque vache ait la possibilité de se mouvoir.

 Suivant le troupeau et l'importance de la course, le nombre de vaches transportées était de 8 à 10. La vache nouvelle était intercalée entre deux vieilles, plus habituées et moins remuantes, et la bretonne derrière car elle servait de bouclier au vacher pour les différentes opérations qu'il devait effectuer.

A partir de 1970, les bétaillères des ganaderias ont évolué ainsi que la maintenance du bétail, à la fois pour répondre aux normes de sécurité et pour faciliter le travail des vachers.

Aujourd'hui les vaches ne sont plus attachées au piquet mais regroupées dans des parcs. Ces parcs sont souvent clôturés par des traverses de chemin de fer et des planches épaisses et solides, ou de plus en plus souvent par des traverses d'autoroute déclassées, galvanisées et donc plus faciles à entretenir et d'une plus grande longévité.

Et puis la ganaderia possède maintenant un couloir de contention qui sert à tamponner, à toiletter les vaches, à vacciner avec les vétérinaires, et tout cela dans une plus grande sécurité, et avec beaucoup moins de stress pour les bêtes et une plus grande facilité de travail pour le personnel.

Les vaches elles, sont embarquées en lot, et non plus individuellement, et attachées par la tête et les cornes par le haut du camion ; car les camions possèdent maintenant un plancher à claire voix où l'on peut marcher et se coucher (type des véhicules des manadiers de Camargue où cela a été copié depuis quelques années).

Les bêtes sont débarquées une par une avec chacune sa têtière* (une corde de 35 à 40 m pour la course, une têtière aux couleurs de la ganaderia). * voir abécédaire

Avant de descendre, la vache est tamponnée avec du chaterton, brossée, munie de sa devise (les couleurs de la ganaderia). Tout cela est fait par le vacher ou le ganadero lui-même, sous la protection de la bretonne bien dressée à cet effet. Cette race tendant à disparaître dans la région, les ganaderos se sont rabattus sur la « Jersiaise » (originaire de l'île de Jersey), race intelligente, plutôt petite et de robe marron clair, et qui une fois dressée se comporte très bien pour ce travail. Peut-être manque-t-elle d'agressivité et d'autoritarisme avec certaines coursières.

Ainsi donc, chaque vache regagne sa loge ; et suivant son comportement en piste, elle sera placée côté droit ou côté gauche, ou en face de l'axe de la piste. Chaque vache porte un nom (qui généralement finit en A, de consonance espagnole, mais pas obligatoirement) et qui est inscrit à la craie sur la porte de la loge.

La nouvelle sera toujours débarquée avec précaution, car étant une vache jeune et fofolle, et pas habituée à la corde, il serait abominable de l'écorner en quelques secondes. Il a fallu 3 à 4 ans pour l'élever, et un accident de la sorte ne se répare pas, ou très difficilement, et compromet donc l'avenir de la bête, même si elle est très belle de morphologie.

Autrefois les vaches étaient rembarquées après la course avec la corde et une par une. Actuellement elles sont rembarquées par lot (en vrac), suivant la méthode de chaque vacher. Comme signalé précédemment on prend soin tout particulièrement de la nouvelle dont l'embarquement peut-être périlleux. Pour la calmer, on l'embarque avec 2 ou 3 vieilles coursières bien rôdées à ce genre d'exercice.

Le professionnalisme du chauffeur et du vacher c'est de ramener au plus vite les coursières à la ganaderia, afin qu'elle retrouve un repos bien mérité. En descendant du camion, leur premier travail est d'aller se désaltérer à l'abreuvoir collectif, de manger, de se reposer... et peut-être, je dis bien peut-être, de raconter entre elles les histoires de la course du jour et des tumades qu'elles ont infligées aux écarteurs.

Date de dernière mise à jour : 08/11/2020