Ganaderia Jean-Charles Pussacq

PussacqJean-Charles Pussacq au milieu de son troupeau à Pomarez

Depuis 1996 nous ne voyons plus sa grande silhouette dans les arènes des Landes, du Gers et d’ailleurs. Celui que l’on avait surnommé parfois le chevalier du grand Beyrie, tellement de fois on le vit sur sa monture, dans sa propriété au milieu de son troupeau, mais aussi à cheval lors de défilés avec sa cuadrilla, fut contraint par des règlements "imbéciles" à cesser son activité. Les fameuses normes européennes, la limite d’âge (65 ans)… obligèrent Jean-Charles Pussacq, la mort dans l’âme, à interrompre son travail de ganadero-éleveur. La Ganaderia Pussacq était devenue au fil du temps un élevage réputé (avec les fameuses « Rabonère » ) et un vivier d’écarteurs d’où sont sortis des champions tels Rachou, Janick, Ducamp, Goeytes et tant d’autres… Jean-Charles Pussacq a quitté « Le Grand Beyrie » mais il a conservé intacte sa passion, ses idées sur la course landaise, ses souvenirs, ses amitiés… Il a même repris du service en 2003-2006 en collaborant au site internet "Course Landaise Magazine", apportant de précieux conseils et ses connaissances sur tous les sujets liés au bétail, à l'élevage et au fonctionnement d'une Ganaderia. 

Retour sur sa vie de Ganadero… 27 ans de vie trépidante, passionnée et passionnante

Jean-Charles Pussacq, êtes-vous né dans le sérail ?

Né le 12 mars 1941 à Pomarez je dois mes débuts dans la tauromachie landaise et espagnole à mon père, grand passionné de ces arts et qui m’a amené dès 1947 aux courses de Pomarez, Tilh, Habas, Pontonx, Dax, Bayonne… J’ai vu les débuts de Marcel Forsans qui a été mon idole ; ses parents habitaient sur une propriété familiale. Gérard Saqueboeuf et Jeannot Dussarat ont été mes voisins et j’ai assisté à leurs débuts dans une course de novillos à Pomarez. J’ai également assisté aux débuts de Luis Miguel Dominguin et d’Ordonez dans les années 53-54 dans les arènes de Bayonne en la présence d’Ernest Hemingway.

Toutes ces approches ont contribué bien évidemment à vous faire aimer la tauromachie ?

Oui, tout cela a contribué à me faire aimer vaches et toros. En 61-62 je suis parti en Algérie d’où je suivais malgré l’éloignement les exploits des écarteurs sur mes terres landaises. En 1963 je me suis installé sur l’exploitation familiale à la suite du décès de mon père. J’avais des vaches laitières, des chevaux ; mais ce n’est qu’en 1965-66 que j’achète mes premières vaches et mes premiers veaux à Monsieur Labat et à Monsieur Larrouture, et que j’ai revendus quelque temps plus tard.

Quel a donc été votre véritable point de départ ?

1969 a été le point de départ de mon nouveau métier : Ganadero landais. Je suis parti 8 jours en Août en Camargue, et mes premières vaches sont arrivées à Pomarez au Grand Beyrie le 13 Août. Il y avait 6 Fanfonne Guillerme pure Camargue, 4 Hubert Yonnet espagnole-portugaise, 6 Aimé Gallon (origine Lescot) Le samedi 13 septembre 69, dans les arènes de Pomarez, ces vaches sans corde ont débuté leur carrière dans une course mémorable et des gradins archicombles, devant une cuadrilla pomarézienne. Marcel Forsans en était le chef. Le bétail a surpris tout le monde, notamment une vache rouge dénommée Rouperte, écartée sans corde par Roland Gantois et avec corde par Marcel Forsans.

Et cela a continué ?

Cette année-là j’ai fait une autre course à Pomarez et une autre à Tilh.

Après ces cuadrillas formées d’écarteurs pomaréziens, il vous fallait une cuadrilla qui vous soit attachée toute la saison ?

Début 70, j’ai monté ma première cuadrilla de jeunes avec comme chef Roland Gantois. Son beau-frère Alain Lamazère a débuté et a fait parler de lui à ses débuts. Depuis lors, chaque année, j’ai monté une cuadrilla avec quelques anciens toreros dont Roland Gantois, Marcel Lalanne, puis ce fut l’arrivée de Michel Cassiède, Janick Truchat, Jean-Pierre Rachou, les frères Gantois, Didier Goeytes, Philippe Ducamp, les frères Fayet, les frères Laborde… je ne peux les nommer tous, mais nombreux sont ceux qui ont défendu les couleurs bleu et blanc de la Ganaderia Pussacq. Tous ces jeunes qui ont débuté chez moi ne rentreraient pas dans un semi-remorque ! Les sauteurs, eux aussi, ont fait parler d’eux : Labadie, Claude Lagarde, Philippe Ducamp, Thomas Bijard, Sylvain Macia…

Et pour le bétail, vous ne faisiez pas encore d’élevage ?

Pour les bêtes je me ravitaillais en Camargue chez Tardieu, Gallon, François André, Fanfonne Guillerme, Valin, Maillhan et Roland Durand. J’ai eu la chance d’acheter chez François André en 1972 une jeune vache blanche qui s’est avérée formidable et que j’ai appelée Rabonère, ainsi que Caliente. C’est de là qu’est parti tout mon élevage avec ces vaches couleur savon (blanc foncé). En 1974 je suis allé acheter 23 espagnoles à Séville chez le Marquis d’Albasserrada. A ce moment-là Marcel Forsans a tenu la corde pendant trois ans chez moi et ce furent les débuts du grand Jean-Pierre Rachou.

Et cette fameuse Rabonère alors ?

En 1976, Rabonère fit parler d’elle ainsi que son fils, un toro dénommé Brazilio I. Sa tête est dans les arènes de la Mecque à Pomarez. Je faisais des courses de seconde partout, entre 35 et 45 courses par an, et des spectacles de jeux taurins, c’est à dire 100 spectacles par an. Je peux dire que j’ai assuré tout au long de ma carrière plus de 2000 courses, et vers la fin, il y avait à « Grand Beyrie » environ 130 têtes de bétail.

Des vedettes de l’arène sont donc passées chez vous ?

Chaque année, dans l’équipe de jeunes, une vedette montrait son nez. En 1984 ce fut Didier Goeytes qui depuis a fait son chemin, et remporté notamment plusieurs titres de champion de France des écarteurs. En 87, 88, 89, Philippe Ducamp fut un mémorable sauteur.

Parlez-nous un peu de l’élevage, puisque c’est votre passion.

Je faisais naître des veaux et des velles dans ma Ganaderia pour renouveler mes coursières. J’ai rentré de nouveaux étalons d’origine portugaise : Varela Crujo, Sommer d’Andrade, et en 89 j’ai acheté un lot de 16 portugaises chez Simäo Malta dont est sorti le célèbre toro nommé Simäo, toréé et gracié, écarté sans corde à l’âge de 4 ans.

Tous ces croisements ont été fructueux ?

Tous ces croisements que j’ai effectués m’ont permis de trouver dans la race Rabonère le type idéal pour la course landaise : combativité, acceptation de la corde, le moral, la vitesse.

Votre grande satisfaction a été la reconnaissance pour les courses formelles ?

Après 20 ans de galères et de sacrifices en seconde, personne ne me faisait de cadeau. Je suis le seul à ce jour à avoir subi les règlements de la FFCL, avec une équipe de jeunes toreros, et puis une élection des comités et associations et des dirigeants pour accéder enfin en formelle, rentrant ainsi dans la cour des grands.

Votre fierté c’est aussi d’avoir fait l’école taurine ?

J’ai fait l’école taurine rattachée à la FFCL en fournissant pendant 17 ans un bétail adéquat, sous la responsabilité des divers directeurs : Monsieur Georges Lafitte, le Capitaine Alban Darbo, Etienne Noguez et Didier Bordes. Je peux dire que j’ai découvert 7 champions dans les jeunes écarteurs. J’ai évolué sous la présidence de deux grandes personnalités : Monsieur Jacques Milliès-Lacroix et Monsieur Gérard Darrigade, et toutes leurs équipes bien sûr.

Je crois savoir que vous avez reçu des récompenses pour vous être autant investi en course landaise ?

Ma première récompense c’est d’avoir fait débuter autant de jeunes et formé des champions. C’est aussi le succés que mon élevage a rencontré auprès des organisateurs. Sinon j’ai reçu la médaille de bronze des sports et la médaille de bronze de la FFCL, la médaille du Mérite Agricole.

Votre bétail s’est aussi illustré dans les novilladas ?

J’ai fourni pas mal de bétail pour les novilladas sans picadors dans différentes places et j’ai fait débuter des toreros dont on a beaucoup parlé : Simon Casas, André Viard, Fernandez Meca, Juan Bautista (Jean-Baptiste Jallabert), Raphaël Canada, Denis Loré, Philippe Martin, Gilles Roux, Christophe Aizpurua etc… Deux toros novillos de mon élevage ont été graciés : en 87 Campesino à Pouillon et en 91 Simäo à Orthez. Du « Grand Beyrie » il est sorti des toros pour écarter : Brazilio I, Brazilio II et Simäo ; face à un Miura à Hagetmau Roberto, extraordinaire. J’ai également fourni des novillos 3 années consécutives dans les arènes de Dax, ainsi que dans les arènes de Bayonne, Tyrosse, Magescq, Pouillon et Brocas les Forges, ce que jamais aucun ganadero landais n’a eu l’occasion de faire à ce jour ; de même dans de nombreuses arènes pour les Bomberos Toreros en bétail neuf.

Je suppose qu’au cours de tant d’années, les moments de joie et de désillusion ont alterné ?

Bien sûr. Tout au long de cette vie de Ganadero, il y a eu des hauts et des bas, des bons et des mauvais moments. En 82 et 86 notamment, deux grands amis sont partis : Gilles Ducoureau et Robert Fayet.

Et puis il y eut cette date fatidique de 1996 ?

En 1996, avec les normes européennes et les nouvelles réglementations, l’âge, il a fallu me résoudre à partir en pré-retraite, abandonnant ainsi ce métier de fou, mais que j’ai pratiqué sans relâche avec toujours la même envie, en ayant sué sang et eau au travail, en ayant laissé aussi beaucoup d’argent… tout cela pour une passion, celle de la course landaise et du bétail.

Si c’était à refaire ?

Je recommencerais. Au bout de toutes ces années je n’ai qu’un seul regret : que la race créée au « Grand Beyrie » ne soit pas exploitée en élevage au service de la course landaise. Ces bêtes sont parties chez Jean-Louis Deyris, Jean-Louis Clabères, Jean-Pierre Labat, la DAL-Agruna, Michel Darritchon, les frères Bats et Eric Pernaut.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la course landaise ?

Je regrette toute cette réglementation tatillonne et obscure, ces normes nombreuses qui transforment cet art fait de traditions et de folklore en sport lucratif… mais ce n’en est pas un. Il est nécessaire d’avoir le goût du risque, l’amour des animaux, le respect des hommes, une volonté de fer.

Parfois vous avez été seul, souvent vous avez été entouré ?

Oui j’ai été entouré, à commencer par tous les toreros qui sont passés chez moi. Mais je n’oublierai pas non plus les comités, responsables et animateurs qui m’ont fait confiance dans tout le sud-ouest en m’ouvrant les portes des arènes.

Date de dernière mise à jour : 16/12/2023